Vendredi 30 août, à l’auditorium Sidha-Chetty, Frédéric Jacquemart, Architecte-conseiller au sein du CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement) de La Réunion, a animé une conférence enrichissante sur l’évolution de l’urbanisation et de l’architecture à La Réunion. A cette occasion, L’élu délégué à la préservation du littoral et à l’aménagement du port, Jean-Paul Euzet, était présent et intervenait au sujet du futur PLU notamment.

Cette présentation a couvert trois siècles et demi de patrimoine, en passant des premières huttes et paillottes aux constructions modernes actuelles, tout en exposant les défis liés à la transition vers une ville durable tropicale.

Le rôle du CAUE

Le CAUE est une association loi 1901, dont la mission de service public consiste à offrir des conseils aux porteurs de projets publics et privés. Avec une équipe d’architectes et un paysagiste, le CAUE de La Réunion assure une mission de service public : en accompagnant des porteurs de projets, et en assurant des permanences gratuites en mairie notamment. Ils accompagnent aussi les collectivités dans leurs études et réflexions sur la préservation du patrimoine, et sensibilise le grand public aux enjeux environnementaux liés à l’urbanisation.

Les premiers habitats : influences multiples et adaptation au climat

Dès les débuts du peuplement de l’île, les habitations ont été marquées par les influences culturelles des populations venues d’Afrique, de Madagascar et d’Europe. Ces premiers habitats, composés essentiellement de matériaux naturels, se sont rapidement adaptés aux contraintes climatiques locales. Jusqu’en 1950, environ 70 % de l’habitat réunionnais était constitué de paillottes, simples constructions en feuilles de palmier, bambous, latanier, vacoa ou vétiver.

L’urbanisation et les cases traditionnelles

La structure urbaine a pris forme progressivement avec l’apparition des premières villes et villages. Des typologies architecturales comme la case à pans de bois, une construction en bois assez répandue, et la case “courant d’air”, équipée d’impostes ajourées et de varangues, ont montré comment l’architecture s’adaptait au climat tropical de l’île, facilitant la ventilation et la fraîcheur dans les intérieurs.

Le néoclassicisme et le style ‘néocréole’

Avec l’arrivée des influences européennes, notamment néoclassiques, les maisons réunionnaises se sont dotées de frontons triangulaires et de moulures décoratives d’inspiration gréco-romaine. Cette évolution a conduit, au cours du XIXe siècle, à un style néocréole, caractérisé par l’ajout de décors en bois tels que les lambrequins et les portails (le « baro »), symboles de prestige. Ces détails s’associent souvent à l’importance de la végétation dans l’aménagement des abords des maisons, renforçant l’harmonie entre architecture et nature.

Au fil du temps, le métal fait son apparition (zinc, bidons métalliques aplatis puis feuilles de tôle) et donne les “case en bois sous tôle”.

L’arrivée du béton et les constructions des années 1930

Dans les années 1930, le béton a progressivement supplanté les matériaux traditionnels, révolutionnant les techniques de construction. L’urbanisation se fait en damier (saint-Pierre, Saint-Denis…) ou en village-rue (Bras-Panon, Possession…). Aujourd’hui, 80 % des bâtiments sont en béton, une matière privilégiée pour sa solidité face aux aléas climatiques tels que les cyclones. Au départ, conçues par des architectes, ces constructions étaient adaptées aux conditions climatiques (hauteur sous plafond, ventilation naturelle et protection solaire) Le concept de “dalle casquette”, utilisé pour créer plus d’ombre, devient une signature architecturale de cette époque.

Les années 1970 : une urbanisation rapide et standardisée

Les années 1970 ont vu l’urbanisation rapide de l’île, avec une forte augmentation de la population. Cela a conduit à la construction de tours, d’immeubles à étages, ainsi qu’à des maisons standardisées comme la case Tomi, en bois préfabriqué, et la case SATEC, en béton. Ces deux modèles étaient conçus pour répondre à des critères de rapidité, d’efficacité énergétique (ventilation), et de résistance aux cyclones. On voit également l’apparition des jalousies, les « nacos ».

Les années 1990 : la standardisation et ses effets environnementaux

Durant cette période, des modèles de maisons types comme la case Bourbon Bois ont vu le jour. Les constructions bétons continuent avec un recours croissant à la climatisation, entraînant des impacts négatifs sur l’environnement. Les opérations immobilières, souvent encouragées par des mesures de défiscalisation, ont accentué la standardisation des constructions, au détriment de solutions architecturales durables et adaptées au climat local.

Les défis du XXIe siècle

Les années 2000 ont marqué une forte urbanisation et une pression démographique croissante. Cette urbanisation parfois mal maîtrisée a mené à des défis, tels que la bétonisation excessive sans gestion adéquate des eaux pluviales, ce qui a accru le risque d’inondations. Le “zoning” et l’éloignement des zones d’activités et d’habitations ont eu des effets néfastes sur la mobilité et l’accès aux services essentiels (l’utilisation de la voiture devient nécessaire pour se rendre dans les zones d’activités).

Aujourd’hui : repenser la ville durable tropicale

L’urgence climatique et la surconsommation énergétique ont poussé les acteurs de l’aménagement à repenser l’urbanisme. Les constructions doivent désormais intégrer des pratiques durables, telles que la végétalisation des espaces publics, la gestion intelligente des eaux de pluie et des bâtiments HQE (Haute Qualité Environnementale). Le rapprochement entre les équipements et commerces et les habitations, permettant moins de déplacements se développe. On recherche plus « une ville de proximité » comme l’indique le CAUE.

L’élu Jean-Paul Euzet, intervenant lors de la conférence, a insisté sur la nécessité d’inclure ces problématiques dans la rédaction d’un “Éco-PLU” pour la Ville de Saint-Leu mais aussi toute La Réunion, une réflexion cruciale pour assurer un futur plus respectueux de l’environnement.

Un avenir entre urbanisme durable et préservation patrimoniale

Cette conférence a permis d’engager un dialogue constructif sur l’avenir de l’urbanisme à Saint-Leu et plus généralement à La Réunion, confrontant les exigences d’une population en forte croissance et les contraintes environnementales. Les échanges avec le public ont mis en évidence les efforts nécessaires pour assurer un équilibre entre modernité et préservation du patrimoine architectural unique de l’île. La collectivité compte œuvrer de concert avec les conseils du CAUE dans le cadre de l’élaboration du futur PLU et appelle à la participation massive des Saint-Leusiens aux réunions publiques d’information et d’échanges qui se dérouleront :

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