Ce soir, la ville de Saint-Leu a célébré la mémoire d’un artiste majeur de la scène contemporaine réunionnaise en renommant l’espace d’exposition de l’Hôtel des Postes en hommage à Wilhiam Zitte. Cette reconnaissance rend hommage à une carrière artistique d’une immense richesse, et symbolise la volonté de la ville de perpétuer l’héritage de cet artiste pour les générations à venir.
En présence de la famille de l’artiste, des associations Têt’ Kaf et Art’ Sénik, et de nombreuses personnalités du monde artistique, Le maire Bruno Domen, accompagné des élus Brigitte Dally et Bruno Lauret, a inauguré la cérémonie aux côtés de Florence Zitte, nièce de l’artiste et ses proches. Une délégation du FRAC, le chanteur et compositeur Davy Sicard, ainsi que plusieurs artistes-plasticiens tels que Jimmy Cambona et autres artistes proches de Wilhiam comme Babou (alias Willy Techer), ont également honoré l’événement par leur présence. Le dévoilement de la plaque a été riche en émotions et en souvenirs pour la famille et les proches de l’artiste.
Dans son discours, le maire a salué « l’influence durable de Wilhiam Zitte sur l’art et la culture réunionnaise ». La plaque dénommant l’espace en son nom « inscrit son héritage dans le patrimoine historique de la ville ». Un moment solennel, chargé de respect et de fierté pour tous ceux qui ont croisé le chemin de cet artiste d’exception.
Un artiste pionnier aux multiples facettes
Wilhiam Zitte, figure incontournable de l’art contemporain à La Réunion, a marqué les esprits par ses œuvres enracinées dans l’identité créole. Travaillant avec des matériaux locaux tels que la tôle et le goni, il parvenait à extraire la beauté de l’ordinaire. Dans ses ateliers, Zitte n’hésitait pas à utiliser des pigments naturels comme le safran péi et le massalé, invitant les jeunes à découvrir la richesse de ces matières qu’il sublimait. Son art fait la jonction entre tradition et modernité.
Sa première exposition, en 1989, organisée dans le cadre de l’opération « Pinson » au Parc du 20 Décembre, a marqué un tournant dans sa carrière. Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2011, Wilhiam Zitte n’a jamais cessé de rappeler l’importance de l’Histoire noire de La Réunion, une histoire qu’il considérait comme oubliée et qu’il s’efforçait de réhabiliter à travers son art.
Avec son œuvre la plus emblématique, Tèt Kaf, un symbole de fierté noire qui résonne avec l’expression « Kaf lé zoli », à l’instar du mouvement mondial « Black is beautiful », Zitte a su capturer l’essence de l’identité réunionnaise à travers cette création. Après avoir marqué les esprits avec ses pochoirs, l’exposition du créateur à la galerie Gounot de Saint-Denis a été suivie par une large diffusion d’autocollants dans l’espace public. Zitte a véritablement transformé l’art urbain à La Réunion : qui n’a pas vu ses pochoirs de Tèt Kaf ? On peut les voir partout sur l’île et notamment à Saint-Leu, dans le tunnel de la ravine des sables par exemple ou sur les pylônes du marché artisanal.
Au-delà de son œuvre artistique, Wilhiam Zitte était un enseignant passionné. Natif de Saint-Benoit, il a consacré une grande partie de sa vie à Saint-Leu, où il a été instituteur à l’école de Bras Mouton. Par son engagement, il a touché des générations de jeunes, notamment ceux issus de milieux défavorisés. Ses fresques créées avec ses élèves, notamment à Stella, sont des témoignages durables de son investissement dans la démocratisation de l’accès à l’art. Il a par la suite formé des enseignants en arts plastiques dans les collèges et lycées, tout en poursuivant son propre parcours artistique.
En tant que Directeur de l’Artothèque du Département de La Réunion entre 1995 et 1999, il a œuvré sans relâche pour promouvoir les artistes locaux. Son travail en tant que collectionneur a donné une nouvelle vie à des objets du quotidien, comme les pilons, qu’il a transformés en véritables œuvres d’art.
L’Arcréolozie : Un concept unique qui magnifie la culture créole
Avec son concept novateur d’Arcréolozie, Wilhiam Zitte a donné un nouveau sens à la culture et à la mémoire créole à travers les arts visuels. Il a recréé l’image du Kaf Marron, soulignant la fierté des origines africaines et créoles de La Réunion.
Ainsi, le public est invité à découvrir l’exposition KAF LÉ BO, qui se tiendra jusqu’au 16 novembre, offrant un aperçu unique du travail de cet artiste hors du commun. Pourquoi Kaf lé Bo ? Florence Zitte, dans son discours explique l’hommage rendu à sa grand-mère, Madame Lebeau, mère de Wilhiam, comme un clin d’œil à cet héritage transmis au fil des générations. Car, comme Wilhiam Zitte l’a si bien dit : « Kan ou koné oussa ou sort’, ou koné oussa ou sava ! »
Un héritage qui perdure grâce à sa famille et ses proches
Florence Zitte, nièce de l’artiste et membre fondatrice de l’association Tèt Kaf créée en 2020, s’efforce, aux côtés de sa famille, de faire vivre l’héritage artistique de Wilhiam Zitte : « Wilhiam Zitte aimait percuter les esprits avec son art, éveillant ainsi les consciences à la créolité et à la fierté noire ».
Après une visite de l’exposition par Estelle Julie, de l’équipe de l’Hôtel des Postes, le public était invité à apprécier un cocktail dinatoire sur le parvis de la mairie et à danser sur le maloya envoutant du groupe Bwa D’Nef In.